Le peuple Mapuche

ARTICLE 2 - Novembre 2022

Répartition géographique

Le peuple Mapuche est un peuple autochtone du Chili et d’Argentine, constitué de nombreuses communautés différentes. Ce peuple perdure depuis des siècles dans la région d’Araucanie, à 700 kilomètres au Sud de Santiago, capitale du Chili. Il est le seul peuple indigène du Chili à ne pas avoir été vaincu par les colons espagnols (plus de détails dans la section Histoire). Aujourd’hui, sa population compte environ 4% de la population chilienne, c’est-à-dire 600 000 personnes selon l’Etat chilien, mais ce nombre est contesté par les organisations autochtones qui estiment le nombre de Mapuches résidant aujourd’hui au Chili à 1,5 millions de personnes.

Peuple de la Terre

les gens

la terre

ma + puche

Drapeau Mapuche

La culture Mapuche s’appuie principalement sur la famille et le respect de la Nature. En effet, ils vivent de manière très autosuffisante grâce à leurs élevages et cultures, et vivent en communautés familiales.

Vie quotidienne

Habitations

Anciennement, les Mapuches vivaient dans des cabanes appelées Ruka, construites en troncs d'arbres pour la structure et en branches plus mince pour le toit. Cette maison de forme ovale ou ronde (forme différente selon les communautés) n'avait qu'une seule entrée, dirigée systématiquement à l'Est, face au soleil levant, la première énergie de la journée. Il n'y avait pas de cheminée, la fumée du feu montait au plafond cônique et s'échappait par des ouvertures triangulaires qui servaient également de logis aux poulets. Ainsi, la fumée et la suie permettaient de renforcer les matériaux de construction en imprégnant le bois et le chaume.

Dorénavant, les « campos » sont constitués de cabanes en bois de structure plutôt moderne. La maison des parents se trouve généralement au centre du campo, et les maisons des générations suivantes tout autour. Les cabanes sont, sauf rares exceptions, ouvertes en permanence, car l'objectif de la ruka est un foyer ouvert, un lieu de rassemblement pour toute la famille qui se rend visite sans arrêt grâce à la proximité de leurs foyers.

Anciennes Ruka

Mode de construction actuel

Gastronomie

Les repas Mapuches sont entièrement constitués de produits locaux, qui viennent de leur jardin et leurs élevages, à l’exception de certains épices et condiments. Leur vie en communauté familiale leur permet d'échanger et partager toute leur production. Les cultures sont biologiques, aucun pesticide n'est utilisé.

La gastronomie Mapuche est souvent perçue comme une gastronomie curative, car ce peuple a une grande connaissance de la Nature, des propriétés des aliments, et sait les marier parfaitement afin de maintenir une vie saine et une bonne santé.

Leurs plats comprennent une pièce de viande à presque tous les repas : mouton, dinde, poulet, vache, canards, cochons ; accompagnée de légumes du jardin. Toute la viande qu'ils consomment vient également de leurs propres élevages, à petite échelle, qui suffit pour subvenir à la famille et leurs invités.

La proximité des campos aux rivières leur permet également de s'approvisionner en poissons tels que le thon et le saumon, poissons très présents dans cette région abondante de rivières.

Mélange traditionnel que les mapuches préparent lors de l'abattage d'un mouton

Le peuple Mapuche se nourrit également grandement des pignons d'un arbre très impressionnant dans la région, grâce à sa taille et sa forme étonnante : l'Araucaria, également appelé pin pignon, pin patagonien, pin bras ou désespoir des singes. Les pignons grillés peuvent représenter jusqu'à 15% des repas des mapuches, surtout en période de récolte, de février à mai.

Ce conifère fait partie de la famille des Araucariacées. Il se rencontre dans les régions de BioBio et Araucania au Chili, à des altitudes variant entre 600 et 1700 mètres dans la Cordillère des Andes et est reconnu comme l'arbre national.

Pour 1 à 1,5 m de diamètre à l'âge adulte, il mesure en moyenne 30 à 40 mètres de hauteur, et atteint jusqu'à 50 mètres de hauteur pour les plus anciens, ayant un âge estimé à 2000 années ! Sa résistance aux conditions extérieures fait sa particularité. Sous la neige en hiver, l'épaisseur de son écorce lui offre une grande résistance face aux incendies, d'origine humaine ou naturelle dans cette région, car l'activité volcanique y est très grande.

Cérémonies

La cérémonie la plus importante pour les Mapuches est la guillatun. Durant 2 à 4 jours de célébration, les mapuches remercient les êtres spirituels pour les récoltes et le bétail des dernières années et leur demandent de gratifier le peuple de récoltes abondantes, de pluies, et d'un accroissement du bétail pour l'année à venir. Le petit guillatun se célèbre chaque année, tandis que le grand guillatun a lieu seulement tous les 4 ans.

Des danses traditionnels ont lieu, et des sacrifices animaux et des dons de fruits locaux sont réalisés. Les sacrifices sont faites sur l'autel, le rehue, constitué d’un tronc d’arbre taillé en degrés et fiché en terre autour duquel les familles s'installent.

Les familles partagent leurs repas, toujours composé d'une pièce de viande (cheval, porc, boeuf, ou mouton) et du pain frit.

Relation à la nature

Le peuple Mapuche entretient un lien très étroit avec la Nature, ayant pour but de vivre en totale harmonie avec celle-ci. Consommation de produits locaux, agriculture biologique, consommation de viande de leur propre élevage, aucun déchet laissé derrière leur passage, utilisation principale de matériaux écologiques pour la construction de leurs logements, utilisation de plantes médicinales des forêts environnantes etc... Leur mode de vie inspire paix, harmonie, santé, et respect.

La Nature est partie prenante de leur vie. Ils considèrent que chaque élément naturel a un esprit, une énergie qui l’habite, et leur ont attribué des noms.

Histoire

Avant l’invasion hispanique, les mapuches vivaient pacifiquement en communauté avec les autres ethnies indigènes. Cela a donc créé un mélange de cultures et en émanent différentes communautés telles que Picunches, Puelches, Pehuenches, Chiquiyanes… et de nombreuses autres dans tout le Chili.

Ainsi, les Mapuches ne se présentent pas comme un peuple uni mais forment néanmoins une communauté grâce à leur langue commune : le mapudungun.

Au XVe siècle, les Mapuches ont d’abord dû faire face à l’invasion des incas, à laquelle ils ont brillamment résisté, en fixant des limites territoriales.

Mais c’est face à l’invasion espagnole que les mapuches ont le plus souffert, invasion débutant en 1541. Après avoir conquis le territoire Inca, les espagnols firent face à une énorme résistance du peuple Mapuche, qui donna lieu à un conflit prolongé : la guerre d'Arauco. Malgré de désastre, le peuple Mapuche résiste et son territoire est reconnu un siècle plus tard grâce à la signature du traité de Quilin, en 1642, qui reconnait le territoire Mapuche avec comme frontière le fleuve Bio-Bio. Cela ne cesse néanmoins pas les affrontements : une guerre d’extermination et de dépossession des Mapuches commence.

Bilan : 80% de la population mapuche fut massacrée.

Au XXème siècle, le peuple Mapuche pâti de la gouvernance chilienne d’Augusto Pinochet, qui annule toute reconnaissance du peuple et fait assassiner plus de 40 dirigeants mapuches. Il institue ensuite la « loi anti terrorista » qui vise à expulser en masse les mapuches de leurs foyers.

A partir des années 2000, les violences policières à l’égard de la communauté mapuche s’intensifient, conduisant à un soulèvement social en 2009, ramenant une reconnaissance du peuple indigène. Les médias les relèguent aujourd'hui comme "terroristes" et sont plus de 200 chefs de communauté incarcérés, torturés, ou assassinés.

Leur combat actuel

Bien que pacifique, le peuple Mapuche est connu pour sa ténacité et n’hésite pas à recourir au combat pour défendre leur culture et leurs droits. Ils prouvent leur grande résistance encore aujourd'hui, luttant pour leurs territoires.

Le combat actuel d'occupation des terres mapuches commença dans les années 1990, lorsque le Conseil de toutes les Terres ("Consejo de Todas las Tierras") réalisa de nombreuses occupations illégales des territoires mapuches détenus par des propriétaires privés. S'en est suivi le développement de nombreux mégaprojet hydro-électriques détruisant énormément de terres et sites sacrés du peuple mapuche.

Les vallées de la région d'Araucaria font également face à une pression d'occupation des terres par des entreprises d'exploitation forestière japonaises, suisses et chiliennes. Les forêts endémiques sont petit à petit remplacées par les pins et les eucalytpus, plantations principalement destinées à l'exportation de bois vers les Etats-Unis et l'industrie du papier. En effet, le Chili se classe 5ème producteur mondial de pulpe de cellulose, utilisée dans la fabrication du papier.

Plusieurs entreprises d'exploitation forestière ont consenti à réviser leur politique d’achat afin d’« assurer la protection des forêts endogènes au Chili », grâce à l'engagement de l'association de préservation de l'environnement américaine "Forestethics" par une campagne internationale. Les peuples mapuches voient néanmoins toujours aujourd'hui leurs territoires occupés et les forêts valdiviennes exploitées pour le bois comme pour la construction de nombreux projets hydro-électriques.

Les précieuses forêts de cette région doivent donc être protégées. Nous vous présenterons très prochainement le projet très inspirant d'une communauté mapuche de la vallée Trankurra afin de conserver les magnifiques forêts environnant leur campo !

Le peuple Mapuche et leurs terres sacrées sont menacés de disparition, et leur combat mérite d'être entendu. Ne cessant pas de souligner la force et la richesse de la Nature, la philosophie et le mode de vie de la communauté Mapuche représentent un réel exemple d'humilité et de respect dont nous devrions nous inspirer.

La région d'Araucaria abrite une immense diversité végétale, habitée par de nombreuses espèces animales d'une grande rareté. Toutes sont menacées par le remplacement des forêts pour l'agriculture, l'exploitation forestière, ou le développement de projets hydro-électriques.

Rédaction & peinture - Adèle Jouslin

Photographie - Théo Abed